Il est naturel de vivre des expériences; la vie est une succession d’expériences, agréables ou pas. C’est le fait de ne pas apprendre de ces expériences qui pose problème et enferme dans un cercle de perpétuelles répétitions des souffrances dont on cherche précisément à se défaire.
Lorsqu’une situation malheureuse est vécue sans en avoir retiré, compris, l’enseignement – et entrepris ensuite les correctifs – là se trouve le dommage, le tort. Car alors, une opportunité a été manquée, une possibilité de prendre conscience d’un mode de pensée néfaste n’a pas été saisie. Cette période a été gaspillée, en quelque sorte, puisque l’apprentissage n’a pas été réalisé. Bien sûr, la vie se chargera dans le futur de placer sur notre chemin un scénario analogue (même si, en apparence, on se fera croira qu'il est différent, ses bases seront semblables). La vie est une école: on redouble tant et aussi longtemps que la leçon n’a pas été acceptée, intégrée.
Pourtant, plusieurs persistent à jouer dans le même film, encore et encore, comme Bill Murray dans Le jour de la marmotte (Un jour sans fin), sans que rien ne change. Malgré leur volonté de se forger un meilleur avenir, ils constatent avec consternation qu’ils se retrouvent à la case « départ ».
Si tel est votre cas, si vous êtes dans un cycle de stagnation dans certains domaines de votre vie, si vous avez l’impression de tourner en rond comme un hamster dans sa roue, peut-être serait-il temps d’envisager de commencer à vous poser quelques questions: refusez-vous de vous ouvrir à une certaine compréhension de ce qui a provoqué vos malheurs ? Serait-il possible que vous-même, par votre attitude, votre comportement, ayez une responsabilité dans le scénario du passé dont vous cherchez à freiner la reproduction dans votre futur ?
Comprenez qu’une partie de vous, l’ego, s’est vu attribuer (par vous-même) la tâche de vous empêcher d’envisager la possibilité que vous ayez été en partie l'artisan de vos déboires. Il vous invite à désigner un responsable externe à vous-même: c’est la faute de l’autre, du temps qu’il faisait, le timing n’était pas bon, la chance n’était pas avec vous, etc. À votre demande, l’ego va faire en sorte que vous ne portiez pas attention à comment vous avez agi dans le passé, à vos propres pensées, vos objectifs qui vont donc être classifiés « légitimes, valables, bons ». Vous vous dites alors: pourquoi regarderais-je à cet endroit (en moi) si je suis OK, si j’ai bien agi ?
Sachant que le regard vers soi-même ouvre vers une possibilité que vous ayez commis une erreur, donc que vous pourriez être « coupable » de la situation malheureuse subie, l’ego s’empresse de fermer cette porte, de vous diriger autre part. Il vous protège de ressentir de la culpabilité, il vous montre quantité d’autres causes extérieures à vous qui pourraient expliquer vos déconvenues.
Par ce stratagème, l’ego vous prive de connaitre l’ensemble des véritables sources de vos difficultés et conséquemment, de pouvoir y remédier. Il vous maintient dans le perpétuel recommencement du même mode de pensée.
Un exemple courant de cette stratégie, c’est l’individu qui à la suite d’une rupture amoureuse se dit ceci : « Ça n’a pas marché avec cette personne, ce n’était pas « la bonne », elle était trop ceci ou cela. Je vais donc choisir quelqu’un qui sera bien mieux, je vais rallonger, raffiner la liste de mes critères de sélection ». Il se remet en couple, vit une autre rupture, continue de rejeter le blâme sur l’autre et de perfectionner sa liste sans se demander où est sa part de responsabilité dans ces déceptions. Et le cycle se poursuit ainsi…
Cet individu croyait avoir compris ce qui avait provoqué l’échec de son couple. Chaque fois qu’il redevenait amoureux, il croyait enfin arriver au ciel, mais un coup de dés le faisait tomber précisément sur la case qui le précipitait une fois de plus tout au bas de l’échelle, une spectaculaire dégringolade sur l’échiquier du jeu de serpents et échelles de sa vie.
La peur de se rendre compte des erreurs commises et de la culpabilité associée à cette découverte constitue donc le levier dont l’ego se sert pour vous maintenir dans un cercle vicieux. Il vous fait croire qu’il serait trop douloureux de vous regarder tel que vous êtes, de voir vos torts passés et de commencer à réparer ces erreurs. Il vous dit que ce travail serait bien trop infligeant, impossible même, qu’il n’y a aucune porte de sortie à votre situation, aucune possibilité de rédemption pour les péchés perpétrés précédemment. L’ego veut vous éviter de contacter tout sentiment de culpabilité, de honte, d’échec, d’impuissance.
Certes, ce n’est pas agréable de se rendre compte de ses erreurs. Mais si cet état de prise de conscience n’est pas traversé (ce qui ne dure qu’un temps, ce sentiment ne reste pas de manière permanente, contrairement aux situations de vie que vous endurez quotidiennement), comment voulez-vous remédier au problème que vous cherchez à résoudre ? Quel autre choix avez-vous ?
Vous cuisinez un gâteau qui est infect. Vous voulez manger du gâteau, alors vous continuez de refaire la recette, encore et encore, avec les mêmes résultats navrants, car vous refusez d’aller voir les erreurs commises : peut-être avez-vous mal lu la recette, peut-être que les instructions fournies sont incorrectes, peut-être que votre four ne chauffe pas à la température exacte indiquée, etc. Mais comment le savoir si vous craignez de prendre conscience de ce qui cause ce fiasco ?
Toute expérience doit être suivie d’un correctif à fournir, d’une amélioration à faire, si petite soit-elle. Apporter le changement sans trainer avec soi le poids de l’erreur commise, c’est la manière appropriée de vivre, d’avancer, d’évoluer.
Certains visent sans relâche la perfection dans le sens de « ne jamais commettre d’erreurs, tout réussir du premier coup ou le plus rapidement possible, ne pas « échouer » ».
Cette conception de la perfection est une fiction engendrée et maintenue par l’ego. Elle place une pression supplémentaire sur vos épaules (ne pas « échouer »), ce qui nécessairement alourdit le fardeau pressenti de la culpabilité – vous appréhendez de vous sentir doublement, triplement coupable de vos fautes – ajoutant un verrou à la porte déjà bien fermée qui mène à la prise de conscience des causes de vos malheurs: vous-même. Les personnes qui ont adopté cette conception impropre de la perfection et qui se l’imposent sont donc encore plus loin de la possibilité de découvrir le pot aux roses, la clé qui leur permet d’accéder à un avenir différent du passé.
En réalité, la perfection, c’est de constamment chercher à s’améliorer soi-même en toute honnêteté, apprendre de toute expérience que la vie met sur son chemin et apporter les correctifs requis. Se perfectionner soi-même, sans relâche, là est la véritable perfection !
Si vous supportez le poids de culpabilités depuis longtemps, rien n’est perdu ! L’ego vous dit que ce sera trop difficile, trop long: décidez de cesser de l’écouter ! Commencez à écouter la partie de vous qui réclame la guérison, qui veut se libérer de cette charge. Ne pensez-vous pas que plus vous avez commis d’erreurs, plus la nécessité d’en prendre conscience afin de pouvoir entreprendre de les rectifier s’impose ? En toute honnêteté, comment pouvez-vous persister à vous faire croire que demain sera différent d’hier et d’aujourd’hui si vous continuez d’utiliser les mêmes données, les mêmes bases, erronées, qui vous ont menées où vous êtes présentement ?
Si vous croyez qu’à un moment, un jour, dans un lointain futur hypothétique, vos erreurs seront magiquement effacées sans que vous ayez eu à faire d’effort pour cela, vous vous bercez d’illusions. Tôt au tard, vous devrez entreprendre cette tâche; plus vous attendrez, plus il y aura de travail à faire. Maintenant est le bon moment pour commencer.